Patience ! Patience ! Mais prenez patience bon dieu ! Le temps passe inexorablement… il suffit simplement de lui en donner le temps, il suffit juste de donner un peu de temps au temps. Huit jours, c’est pas très long !
Pressé moi-même par le temps, je n’avais guère le temps d’attendre plus longtemps pour tenter de donner un temps futur au temps présent…
Il n’empêche que cette boulimie d’anticipation m’interroge, car lorsque vous lirez la prochaine humeur du lundi, celle du lundi 24 mars, vous saurez ! Et vous aurez déjà les yeux fixés sur la ligne bleue du second tour… et comme je prends toujours la précaution de ne pas écrire mes humeurs au tout dernier moment, pas besoin de dessin pour comprendre que je serai déphasé, en retard sur l’événement et donc à la ramasse sur la réflexion, ce qui est à mes yeux parfaitement détestable !
J’ai donc voulu savoir… Et c’est ainsi que j’ai dévoré les horoscopes, consulté les oracles, convoqué en urgence madame Irma, renouvelé mon abonnement aux instituts de sondages, consommé du café à outrance pour récupérer le marc. J’ai même tenté quelques prières, rendez-vous compte, pour demander à je ne sais quel gourou de nous éviter le pire… rien n’y a fait… j’étais totalement incapable de vous commenter le résultat !
En désespoir de cause, j’ai tenté une entrée en osmose avec ceux qui croyaient aux forces de l’Esprit ! Et là… j’ai enfin été récompensé… « L’Esprit était bien là »… merci à lui, qui a daigné entendre ma supplique…
Alors, après l’achat d’un guéridon à trois pieds, je me suis mis au travail…
J’ai interpellé ce cher Victor Hugo, c’était m’avait-on dit, l’Esprit le plus facile à écouter. Il m’a effectivement répondu. Il m’a parlé de Jean Valjean et de Cosette, il m’a dit qu’il fallait apprendre pour comprendre et que la République, la vraie, devait construire un solide rempart contre la misère. J’ai regardé parmi les onze candidats et me suis aperçu qu’à partir de là, il y en avait déjà un bon paquet d’éliminés…
Je me suis alors tourné vers le grand Jaurès, il m’a parlé presque dans les mêmes termes et m’a conseillé de consulter le Maréchal, me disant qu’il reconnaîtrait les siens… L’esprit de Pétain survolant la présidentielle, j’ai pu facilement établir le contact. Le Maréchal me fit les louanges de la fille de son père, qui avait le courage d’affirmer que la France n’était pour rien dans le Vel d’hiv… Il mettait beaucoup d’espoir dans sa victoire pour être reconnu à sa juste valeur et se voir enfin transféré chez les poilus de Douaumont.
Quelques danses de guéridon plus tard, il m’a confié aussi qu’il n’était pas ingrat et voyait d’un bon œil la conversion du candidat Républicain à l’Etat français. Il retrouvait avec bonheur son slogan préféré : « Travail, Famille, Patrie », soulignant l’influence heureuse de « la Manif pour tous ». La présence annoncée de « Sens Commun » dans le prochain gouvernement lui semblait de bon augure pour défendre les valeurs éternelles de la chrétienté… ce qu’il avait, lui-même, toujours cherché à faire.
J’ai essayé par simple souci d’équité de joindre le grand Karl. Je souhaitais l’interroger sur la gauche authentique… Mais son répondeur était aux abonnés absents, je me suis alors rappelé qu’en bon matérialiste il devait ignorer les forces de l’esprit…
En revanche, ce vieux Léon de son prénom et Trotski de son nom, m’a clairement indiqué ses préférences personnelles : « La place rouge était vide, devant lui marchait Nathalie », il lui aurait bien fait des gros poutous s’il avait été certain qu’elle n’était pas un agent double…
Question forces de l’Esprit, je me devais de consulter un Président trépassé.. Jarnac n’étant pas très éloigné de mon domicile je lui rendis visite.
« Avez-vous une rose ? » me dit-il, les pétales servaient en effet de visa pour entrer. « Il y a un fleuriste à droite après la porte…. ». Je me rendis donc chez le fleuriste. « Je voudrais une rose pour le président ». Comme j’étais totalement incapable d’en préciser la couleur, je me résolus à en acheter trois : une rose très rouge qui cherchait jadis à accompagner les poings qui se levaient, une rose juste rose qui parlerait très bien aux sociaux démocrates, une rose très pale, sans doute un peu malade, qui ferait les yeux doux aux libéraux sociaux… Trois roses pour un président passé, c’était quand même un peu cher…
Je lui présentais mes trois roses en demandant laquelle pouvait m’ouvrir sa porte…
« Trois roses c’est très bien ! Elles résument l’histoire… j’indiquerai mes préférences, mais il faudra d’abord laisser du temps au temps, rendez-moi visite à nouveau d’ici quelques semaines, je vous dirai alors celui qui va gagner…. »
Je posais les trois roses sur le pas de la porte, avant de retourner chez moi.
En pleine période électorale, à huit jours du premier tour, je me dis qu’un président sortant avait les moyens de savoir qui de la gauche ou de la droite, qui dans la gauche ou dans la droite allait bientôt lui succéder…. Le temps était venu qu’il éclaire le peuple…
« On est toujours la gauche de quelqu’un et la droite d’un autre, et si l’on veut être à la fois l’un et l’autre on n’est forcément ni l’un ni l’autre. Par ailleurs si on n’est ni l’un ni l’autre on est ailleurs, un anti système en quelque sorte ».
Il rappela en guise de synthèse que lorsqu’on partait à gauche en se mettant « en marche » on se retrouvait forcément à droite en revenant. Il allait confirmer à tous que cela ne le gênait guère, il n’y avait sur ce chemin là ni frondeurs ni insoumis.
Voilà bien, encore une fois, ce qu’un président de gauche ne devrait pas dire !
le Quaireux le 17 avril