« Nous sommes en crise, nous n’avons plus les moyens, nous avons une dette énorme », voilà ce qui justifie tous les renoncements et conforte les politiques d’austérité.
Quelques chiffres montrent l’impossibilité à contenir la dette et donc notre incapacité à la rembourser en restant dans la logique économique actuelle (pas de reprise, pas de dévaluation de l’euro…)
Pourquoi donc continue-t-on à nous prêter ?
Tout simplement parce que le refus de prêter aux états endettés entrainerait l’explosion de tout le système bancaire, économique mais aussi social. Il est donc beaucoup plus intéressant d’utiliser l’argument de la dette pour imposer des conditions de prêts draconiennes pour l’emprunteur ; celles-ci sont alors très favorables pour le prêteur (taux d’intérêts, privatisations exigées…) elles font également levier pour la mise en place des réformes libérales exigées pour continuer à faire grimper le montant de la dette !
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La première chose qu’il faut remarquer c’est qu’en dépit de ces politiques d’austérité mises en place par N. Sarkozy puis par F.Hollande la dette continue d’augmenter.
A la fin 2013, le montant de la dette publique française se situait à 1900 milliards d’euros. Le total de cette dette se répartissait comme suit :
- 1509 milliards soit 74,4% de la dette publique représente la dette de l’Etat.
- 170 milliards soit 8,9% représente la part des collectivités locales.
- 213 milliards soit 11,2 milliards correspond à la dette de la Sécurité sociale.
- 8,6 milliards soit 0,5% du montant de la dette totale de divers organismes d’administration centrale (diverses agences).
Depuis 2008, nous empruntons en moyenne 114 milliards par an. Pour diminuer la dette, le gouvernement impose aux collectivités de réduire leurs budgets de 50 milliards en trois ans.
Cela qui représente une économie de 16,6 milliards d’euros par an. Rapporté à l’emprunt moyen annuel de 114 milliards d’euros la dette continue à augmenter d’environ 100 milliards par an !
Calcul rapide diront certains, il s’appuie sur un des chiffres officiels de l’INSEE, un PIB qui stagne, une croissance en berne. Le montant total de la dette publique est passé de 1900 milliards fin 2013, à 1997 milliards fin 2014, il se situe aux alentours de 2100 milliards à la fin 2015.
Alors bien sûr nous avons évité d’emprunter 15 milliards d’euros par an ce qui représente 0,7% du montant de la dette globale.
Ces quelques chiffres montrent donc :
Que la dette ne sera jamais remboursée, elle est devenue irremboursable, en France comme en Espagne ou en Grèce, même au prix des politiques d’austérité drastiques, et ce même dans un environnement économique qui s’appuierait sur une hypothétique reprise de l’activité.
A quoi sert la dette publique aujourd’hui ?
Remarquons tout d’abord que la dette génère des intérêts pour la banque. Sur l’année 2014, la dette française a rapporté 45 milliards d’euros aux prêteurs ; le niveau des intérêts suit le niveau de la dette, plus la dette est importante, plus les intérêts rapportent, et ceci d’autant plus que le taux des intérêts réclamés est lié au risque du non-remboursement.
C’est ici qu’interviennent les agences de notation, que ce soit Moody’s, Standard and Poor’s , Ficht et quelques autres. Elles mesurent les risques encourus par le prêteur ce qui détermine le niveau des intérêts qu’il y aura à verser. Dans l’exemple de la Grèce, les taux d’intérêts de certains prêts étaient supérieurs à 7% alors que le gouvernement français empruntait à 1,5% en dépit de son niveau d’endettement. Nous étions mieux notés…
Notre seule chance dans cette affaire est que les taux d’intérêt sont bas…
- A justifier les politiques d’austérité
L’argument du niveau de la dette est utilisé pour mettre en place des politiques d’austérité qui reviennent sur les acquis sociaux. Le prix à payer est une casse de la protection sociale, celle-ci renverrait à l’époque révolue de l’Etat Providence. Nous n’avons plus les moyens d’une telle politique de solidarité, reste donc à réviser à la baisse toutes les prestations sociales, le RSA, les prestations maladies, le montant des retraites, les services publics, bref en quelque sorte tout ce que les luttes sociales des années précédentes avaient apporté comme amélioration des conditions de vie.
En 1999, le patronat avait lancé, le concept de « refondation sociale » et Denis Kessler, son représentant, affirmait qu’il fallait : réintroduire « l’exigence économique » dans un social qui a, quelquefois, trop tendance à jouer son émancipation ou même à vouloir la dominer. »
Denis Kessler, toujours lui, affirmait également qu’il s’agissait de poursuivre et d’approfondir le processus de privatisation des services de l’Etat-Providence, c’est-à-dire leur transformation en terrain d’accumulation et de rentabilité des entreprises privées. Ces dernières doivent réintégrer la protection sociale qu’elles avaient externalisée, en la déléguant à l’Etat. Les assureurs notamment estiment avoir été spoliés en 1945. Ce n’est donc pas pour rien que les premiers plans d’austérité imposés par le FMI (Fonds Monétaire International) et l’Europe à la Grèce et au Portugal exigeaient de nouvelles privatisations, ce qui faisait dire à un syndicaliste grec : « ce n’est pas un sauvetage, c’est une braderie » !.
Ainsi donc d’un côté le patronat s’appuie sur la crise pour exiger une solidarité sociale à la baisse en faisant passer l’idée que nous n’avons plus les moyens de la protection sociale et de l’autre côté le même Medef réclame que la protection sociale soit intégrée dans l’entreprise et l’économie pour récupérer un marché éminemment rentable . Le calcul réalisé montre que l’épargne des salariés et de la population, les fonds de pension, l’assurance maladie, les différents services sociaux gérés dans un univers concurrentiel représentaient en 1999, 2600 milliards de francs. Soit 150% du budget de l’Etat pour la même année. La dette a donc ici pour fonction d’accélérer les privatisations du social. Ce qui signifie que l’égalité de traitement des citoyens, qu’ils soient riches ou pauvres, qui prévalait au contrat républicain et qui permettait de parler de solidarité, est rangé au rayon des idées dépassées et ringardes. Et l’on voit très clairement que le marché potentiel de la protection sociale vaut bien quelques indulgences pour le montant de la dette !
Ceci est d’autant plus vrai que les organismes chargés de cette protection sociale sont obligés de passer sous les fourches caudines de la financiarisation du social. Pour exemple : la déclaration de l’UNEDIC le 12 octobre 2010 : « l’UNEDIC se félicite de la confirmation de ses notes à long et court terme par les trois agences Ficht (AAA- F1+), Moody’s (AAA- P-1) et Standard and Poor’s (AAA-,A- 1+)… l’excellence de cette notation permettra à l’UNEDIC de mener à bien son programme de financement garantissant ainsi la continuité du service des allocations chômage. » Ainsi donc il s’agit ici d’être bon élève au yeux des agences de notation pour être en mesure d’emprunter à un taux moindre, tout en creusant la dette de 13 milliards d’euros sur l’année 2011…
- A accélérer la privatisation des services publics
En mettant en place les politiques d’austérité pour répondre aux critères de Maastricht, ce sont les services publics qui ne peuvent plus être assurés et parmi eux certaines des fonctions régaliennes de l’Etat. Ne parle-t-on pas aujourd’hui de confier les PV aux entreprises privées des autoroutes, et de remplacer certains agents de sécurité par des personnels d’officines particulières, … Ce qui répond bien aux volontés du patronat qui demande l’externalisation de services vers le privé, pour ne pas dire le mot de privatisation qui pourrait peut-être fâcher !
- A renforcer le modèle libéral européen
Ce qui est donc en cause dans cette vision de l’économie et du monde, c’est bien la fin des états –nations. Jusqu’à peu, les états battaient monnaie, et les décisions liées à la monnaie étaient des décisions politiques. Aujourd’hui l’autonomie de la Banque européenne et de la Banque de France interdisent aux élus de la nation d’avoir une prise sur ces décisions, ils doivent les subir, seul le marché commande.
Les responsables politiques sont devenus de simples exécutants des décisions essentielles prises ailleurs en matière financière, mais aussi en matière économique et sociale. Ils feignent simplement d’en être les auteurs, alors qu’ils ne sont plus que les instruments des consortiums bancaires et des intérêts des grandes multinationales, ou de la vision libérale de l’Europe. Le vieux rêve de la disparition de l’Etat chers aux libéraux et aux trotskistes est en grande partie réalisé. Nous sommes loin du temps où De Gaulle affirmait : « la politique ne se fait pas à la corbeille ! ».
C’est bien cette impossibilité du politique à orienter les choix économiques qui aboutit à la montée des populismes dans nombre de pays européens.