Quelle image peut-on garder des premiers moments du président ? Indiscutablement une apparition solennelle dans la cour carrée du Louvre, en marche naturellement …
Les symboles sont ici nombreux : le Louvre est à la fois un haut lieu de culture mais c’est aussi l’ancienne demeure des rois de France, quant à la pyramide elle est née des grands travaux d’un président bâtisseur qui se serait bien vu monarque.
Il s’agissait derrière ces premières images de s’adresser au peuple « peopolisé » pour témoigner d’une entrée présidentielle dans l’histoire et affirmer la volonté désormais officielle de redonner une quasi sacralité à la fonction de Président.
Le président ordinaire était renvoyé à l’ordinaire de sa propre image. La rupture se voulait consommée sur l’autel du renouveau… et ce moment était réellement nouveau car le roi de France aurait sans aucun doute fait son entrée à cheval préférant une sonnerie éclatante de trompettes à un Hymne à la Joie composé par un musicien qui ne l’oublions pas a fini son mandat, comme d’autres, dans une absolue surdité.
Et la nouveauté allait bien sûr continuer, jadis le roi de France faisait battre monnaie : son effigie sur un louis d’or, aujourd’hui on est moderne et l’effigie du président se grave sur une mug que le peuple va pouvoir acheter avec une petite Tour Eiffel floconneuse de neige, elle trônera avec fierté sur l’étagère des reliques familiales…Il est vrai que le président ordinaire avait déjà tenté le business… mais il n’était qu’un président ordinaire… avec un président tout neuf, c’est une nouveauté…
Du neuf, encore du neuf, du jamais vu !
Par la magie des mots un mouvement se transforme en parti, « En marche » devient « La République en Marche ». Finie la vieille politique, les partis sont de retour ! Avec dans leur valise, les investitures pour l’élection des députés !
Du nouveau ! Du neuf ! Du jamais vu ?
Le fait du nouveau prince accorde quelques prébendes à d’anciens députés soi-disant socialistes qui se mettent en marche et laisse le champ libre aux gloires du passif, il distribue aussi quelques investitures à d’anciens encartés naguère Républicains… Et quand il se retourne pour contempler l’ouvrage, il entend la rumeur qui gronde : « Le compte n’y est pas ! C’est pourtant bien moi qui lui ai fait la courte échelle ! »
Assurément le prince est l’œuvre de Machiavel, le président se dit qu’il a encore raison, car il ne sert à rien d’acheter ses amis les plus proches puisqu’ils vous sont déjà totalement acquis. C’est autant d’économisé pour en acheter d’autres…
Du neuf ! Encore du neuf ! Du jamais vu !
Pour les impétrants ordinaires, on candidate désormais sur internet, avec un curriculum vitae, une lettre de motivation et un entretien en bonne et due forme, les élus seront coachés ! 15 000 candidats à la candidature envoient leur CV… . Si c’est vrai que les politiques sont tous pourris, Il y a quand même beaucoup de candidats à la pourriture !
Et dire qu’il n’y a que 577 postes à pourvoir, qu’en plus il faut garder quelques places pour les nouveaux ralliés, et qu’en fin de compte, les candidats retenus ne sont pas du tout certains d’intégrer le poste proposé… De soustraction en soustraction, ça va faire beaucoup de monde sur le carreau !
Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses, rien de nouveau sous le soleil diront les candidats défaits. Du temps des vieux partis, les militants votaient, on parlait de primaires, désormais c’est ringard, la commission décide…
Quant aux apprentis députés, dépités, déboutés, jugés incapables de se mettre en marche : les pieds plats, les pieds-bots, les pieds nus et les va-nu-pieds, qu’ils aillent s’inscrire à Pôle Emploi, et qu’ils n’oublient pas de faire leur coming out pour retrouver la société civile, qu’ils n’auraient jamais dû vouloir quitter !
Mais au fait, c’est quoi au juste la société civile ? C’est tout ce qui n’est pas l’Etat et tout ce qui n’a jamais eu de mandat politique. C’est simple non !
Ce qui signifie donc si j’ai bien compris que la société civile, c’est tout ce qui n’a rien à voir avec la politique. Monsieur Gattaz, Mme Parisot par exemple font partie de la société civile. Le forum de Davos par exemple ou bien encore les réunions de l’institut Montaigne sont des séances de travail de la société civile… Les officines chargées du lobbying font aussi partie intégrante de la société civile puisqu’elles ne font pas de politique. Il est donc logique qu’ils puissent entrer à l’Assemblée nationale pour faire enfin ouvertement de la politique.
Mais attention, une fois entré dans la fonction, l’élu en provenance de la société civile va devenir l’ élu d’un parti ; il sera un homme ou une femme politique et dès lors comment pourra-t-il encore prétendre que, lui ou elle, parle encore au nom de cette société civile si prometteuse ?
D’autant que l’acte de candidature aux élections résonne comme un acte d’allégeance au programme du nouveau président.
Alors député de la société civile ou godillot du président ?
Du nouveau, toujours du nouveau sous le soleil !
Le Quaireux le 15 mai 2017