Je regarde la France du haut de la Macronie, se dit le funambule en posant le pied sur le filin d’acier… et j’ai bien besoin d’un très grand balancier… un léger mouvement à droite doit obligatoirement être compensé d’un léger mouvement à gauche qui, lui-même, demande une compensation immédiate par un autre mouvement du côté opposé… et ainsi de suite de circonscription en circonscription pendant toute la traversée… l’avancée sur le filin central est à ce prix… heureusement le voyage aller doit mener uniquement de l’Elysée à l’Assemblée nationale, et ce n’est pas très long… après on verra, on redescendra sur terre… et là on n’aura plus besoin du balancier, puisqu’on sera majoritaire…
En attendant ce jour béni, débauchage et verrouillage sont les deux mamelles de la Macronie…
A l’origine, le verbe débaucher signifiait dégrossir une pièce de bois, une poutre par exemple, la dégrossir c’est-à-dire la fendre, pour que la pièce de bois soit bien droite… en somme il fallait une main d’œuvre adroite pour dégauchir, c’est-à-dire enlever ce qui est gauche. N’avait-t-on pas dans le quinquennat précédent inventé une dégauchisseuse tellement efficace qu’à l’heure de la débauche, le travail étant terminé, l’ancien Président était empêché et par voie de conséquence ses ministres se retrouvaient débauchés !
Le nouveau Président voit les choses autrement, il a largement profité de la dégauchisseuse, pour son casting ministériel, il débauche pour embaucher voilà quand même une assertion qui flaire bon l’oxymore politique, pour les uns, la dialectique des contraires pour les autres…
Dans l’argot des typographes débaucher signifiait licencier par manque de travail…
Comment est-il donc possible de débaucher quelqu’un pour le propulser ministre sans admettre par là même qu’il n’aura rien à faire puisqu’on l’a débauché par manque de travail! C’est en somme donner raison à Fillon et à Le Pen et à leurs emplois présupposés fictifs, on comprend l’urgence à revisiter le code du travail, car s’il est évident qu’avant d’embaucher il faut débaucher, dans l’état actuel de la législation du travail, il y a de grands risques de se retrouver aux prud’hommes.
Les prud’hommes, dont au passage il convient de limiter les indemnités données aux licenciés tout particulièrement lorsque les licenciés sont licencieux ! Il faut cependant bien distinguer les prud’hommes des hommes prudes au risque de réinventer une justice des mœurs et la police qui va avec !
On comprend alors l’urgence d’une loi sur la moralisation de la vie politique pour affirmer la vertu dans cette Macronie naissante. Vertu, du reste quelque peu contestée au regard de certaines nominations de ministres. Les archives collent au présent comme la glu et la glu est l’autre nom de la poisse..
D’autant que, dans un de mes autres dictionnaires, le participe passé débauché signifie : « qui s’adonne sans retenue aux plaisirs de la sexualité. » Comment un premier ministre, fort peu éloigné de la Sainte Famille, ne sentirait-il pas obligé de licencier un ou une, ministre licencieux… , je dis bien « un ou une » car il faut, dans ce domaine aussi, respecter la parité !
Si donc un ministre débauché est en passe d’être licencié du fait qu’il soit débauché, pourquoi donc débaucher une personnalité qui n’est pas forcément considérée comme telle ? Avouez qu’il y a là matière à injustice.
Voilà pour le débauchage, première mamelle de la Macronie… Quant au verrouillage Il part bien sûr aussi d’un bon sentiment. Figurez-vous que la dégauchisseuse dont j’ai parlé un peu plus haut se trouvait largement sous-occupée, le travail ayant été déjà fait comme je l’ai expliqué.
Qu’à cela ne tienne, il convient de la remettre en service pour rentabiliser l’investissement réalisé. Elle sera donc mise au goût du jour pour les hauts cadres de l’administration, dans une démarche importée des USA sans droits de douanes… Elle évaluera l’efficacité, la performance et permettra au passage de dégauchir les esprits, n’est ce pas désormais le premier objectif de l’éducation ?
Dégauchir les esprits grâce à l’affirmation généralisée de la pensée unique, le politiquement correct du libéral social côtoie l’économiquement correct du néolibéral pour gonfler les poches des gens du haut du panier.
Pour garder toutes les chances de succès, il convient aussi de verrouiller les plumes qui auraient un peu trop tendance à chercher leur encre dans le vitriol. On, pronom indéfini, mais bien défini malgré tout, choisira les rédactions et les journalistes qui seront habilités à suivre et répandre la pensée et l’action présidentielle… Quelle modernité ! Il ne reste plus à verrouiller que l’ORTF !
Mais attention, en refusant d’autres regards, la pensée unique copule souvent avec la pensée inique, beaucoup plus rarement avec la pensée libre.
Le Quaireux le 21 mai 2017