Tous les articles par Éric Gautier

Et pendant c’temps là…

Le monarque pourra toujours remercier, le tandem Jospin-Chirac d’avoir  inversé le calendrier électoral en plaçant les législatives juste après les présidentielles. La peur de la cohabitation disait-on à l’époque…  Cette inversion du calendrier va permettre au président de régner en monarque, avec une chambre que l’on ne va pas tarder à qualifier d’ «introuvable »… en souvenir de Louis XVIII et de la Restauration… C’est en tout cas ce que prédisent les sondages… Désormais le Monarque n’a plus peur de la cohabitation. Et du reste, avec qui pourrait-il cohabiter puisque les oppositions sont laminées. Elles sont laminées depuis qu’il leur a ouvert la porte de son gouvernement… et on ne résiste pas à une porte qui s’ouvre… l’ouverture crée un appel d’air qui balaye d’un coup toutes les velléités de résistance…
Le problème est réglé : la droite de la gauche, la gauche de la droite et le centre du centre siègent désormais  à la droite du monarque pour certains, à sa gauche pour d’autres, sur un strapontin pour quelques uns, les plus culottés cherchent encore  le centre pour garder leur équilibre… Il ne faut surtout pas chercher de significations politiques à la position des uns et des autres autour de la table, l’essentiel étant qu’elle tourne…

Etre en marche en restant immobile, comme un adjudant devant son drapeau, se dit poireauter, Poireauter, c’est attendre, attendre l’ordre, l’ordre non pas de se mettre en marche, mais de lever le bras pour voter ou à la rigueur d’appuyer, sans se tromper, sur le bouton pour un vote électronique.

Voilà le sort promis aux futurs députés du monarque…Ils s’y sont du reste engagés.  Et je trouve ça tout à fait cohérent et logique. Comment pourrait-il en être autrement quand on confond présidentielles et législatives au point de distribuer des papiers qui ne mentionnent que le nom  et la photo du monarque en ignorant totalement le nom et la photo du candidat député ?

Ainsi les mordus de la macronie pourront voter quatre fois pour leur icône… quel bonheur ! C’est quand même beaucoup plus simple quand tous les députés s’appellent Macron, naturellement monsieur ou madame pour respecter la parité ! C’est plus simple et ce sera aussi efficace que s’ils s’appelaient Dupont, Durand, ou de Nemours. Puisqu’ils vont voter comme un seul homme, autant qu’ils s’appellent tous Macron.

Et pendant c’temps là…
Le Grand Moralisateur du gouvernement, appelle un directeur de Radio France pour se plaindre d’une émission, sur les emplois  fictifs d’assistants parlementaires au sein de son parti… Ca ne peut pas tomber mieux ! Puisque c’est le Grand Moralisateur qui commande à la justice, pourquoi ne pourrait-il pas commander aussi à la presse et menacer d’engager des poursuites contre les journalistes?  Heureusement que le Grand Moralisateur nous  précise : «Ce n’est pas le Ministre de la Justice ni le Président du MoDem qui a appelé, c’est le citoyen… ». C’est ça le cumul des fonctions, une première marche vers la schizophrénie…

Et pendant c’temps là…
On prépare la fin de l’état d’urgence ! Bein mon Colon ! Si on faisait passer toutes les mesures de l’état d’urgence dans l’état ordinaire de la loi ?   Ce serait quand même plus facile de le supprimer pour faire croire qu’on a jugulé le terrorisme. Il suffirait alors d’appliquer la loi !  Affirmatif mon Collomb ! Vas-y Gégé !

Et pendant c’temps là…
On se prépare à ordonner ! Le Grand Ordonnateur prendra les ordonnances et pour cela fera voter les députés tout fraîchement élus, pour  dire qu’ils ne vont plus voter …  Ils vont se dessaisir …  Ils vont se faire harakiri !  Mais s’il trouve les députés trop cons pour voter la loi…  il va multiplier les emplois fictifs…

Et pendant c’temps là…
Dans les conseils de classe de fin d’année une seule question est posée par le professeur principal : qui va porter le bonnet d’âne ? Et qui donc va redoubler ? Par contre, croyez- moi, il ne faut surtout pas faire redoubler un ministre en exercice, même si son exercice est faux… Il est tellement sûr d’avoir raison contre vents et marées qu’il vaut mieux le laisser passer  sans examen de passage pour qu’il ne fasse que passer !

Et pendant c’temps là
Sans rien dire, on s’apprête à changer de monde en remplaçant les cotisations sociales payées sur les salaires (cotisation chômage et cotisations santé) par une hausse de la CSG. Finie la gestion paritaire… l’Etat reprend la main…  et décide tout seul de la hausse de la CSG…

Et pendant c’temps là…
Les conservateurs prennent la pile sur l’autre bord du Channel, il y a vraiment des jours où on se mettrait à adorer follement le gigot à la menthe…

Le Quaireux le 12 juin 2017

Dénonciateur, non! « aviseur », oui!

 

Dans la loi de finances 2017, un amendement proposé par 26 députés socialistes légalise à titre expérimental pour une durée de deux ans, la rémunération de la dénonciation d’un contribuable. Le vocabulaire du rédacteur s’est entouré d’une pudeur toute  en conformité avec la dignité de l’Assemblée puisque « celui qui donne » ne saurait être une « balance »,  pas plus un informateur, pas plus un indicateur, pas non plus  un délateur, encore moins un dénonciateur,  encore moins un rapporteur qui aurait fait un peu trop cour de récréation :

« Rapporteur à la maison qui reçoit des coups d’bâtons
Rapporteur à l’école qui reçoit des coups d’casseroles
et rapporteur aux impôts qui va toucher le gros lot… »

Non celui qui soupçonne son voisin… et qui le fait discrètement savoir à la direction des impôts la plus proche,  est tout simplement un « aviseur » .  Merveilleuse langue française qui néologise à tour de bras pour masquer  une réalité peu reluisante grâce à des mots flambant neufs…

 « L’avisage » ne se fait pas à découvert, il doit être signé, mais la direction des impôts s’engage à lui donner un caractère d’anonymat… ce qui serait bien utile au cas où « l’aviseur » oublierait par simple distraction de déclarer ce revenu supplémentaire… à moins que pour impulser la mesure, les revenus de « l’avisage » soient considérés comme une niche fiscale nette d’impôt.

Moralité, (si le mot a encore un sens…) : un bon citoyen dénonce son voisin !
Il parait que ça se fait déjà en Allemagne, et ça s’est déjà fait en France aussi… Il y en a même de  très zélés qui faisaient des listes, tant ils avaient de voisins… c’est une vieille histoire,  pourquoi alors la remettre au goût du jour ? N’y aurait –t-il pas quelque chose d’indécent à prétendre que la méthode a fait ses preuves ?

Après l’entrée dans la loi par le truchement d’un amendement à quand l’inscription du principe de «  l’avisage » dans la Constitution ?

On pourrait même envisager un « avisage citoyen » c’est-à-dire bénévole pour éviter la professionnalisation… après tout, moi j’avise et c’est à la justice de vérifier si mon « avisage » est justifié… et tout cela gratuitement, un geste désintéressé, un acte gratuit en quelque sorte…

Mais quand même, dès que « j’avise », je fais surtout savoir que j’ai «avisé », parce que c’est là l’essentiel.

Je suis l’exemple de Mme Sophie Montel, députée du Front national au Parlement européen, qui avise la justice du cas de 19  parlementaires européens soupçonnés d’emplois fictifs… alors même que sa cheftaine de parti, Marine Le Pen, refuse de répondre aux convocations des juges pour le mêmes raisons …
Je suis aussi l’exemple, tout aussi brillant, du Parti républicain, sur l’air de « y a pas d’raison qu’ils gardent les mains blanches » alors que nous on en a pris plein la tête…. Vive la revanche dans les médias et les réseaux sociaux…

Parce qu’il est évident que fondées ou non, justifiées ou non justifiées, ces plaintes vont être reprises par l’ensemble des mouches et des moustiques plus préoccupé par les indices de l’audimat ou le bzz que par la vérité des faits.

Je ne suis pas certain qu’une loi quelconque puisse mettre un coup d’arrêt à la fois aux pratiques  que la justice condamne déjà, mais également aux pratiques  des délateurs de vérité qui manipulent l’information en faisant croire qu’ils veulent laver plus blanc que blanc. La campagne sur la moralité publique, qui affirmait qu’il y aurait un avant et un après Macron, revient comme un boomerang au visage de ses promoteurs.
Non pas,  parce que certains promoteurs de cette campagne seraient eux aussi pris sur le fait de traîner des casseroles, mais parce que cette loi à venir mélange deux registres qui  sont étrangers.
La morale est de l’ordre de la conduite individuelle, de la conscience personnelle c’est à dire du privé et la loi est de l’ordre de la justice, elle organise le collectif, la vie sociale, elle est de l’ordre du public parce qu’elle s’impose à tous. Ainsi une condamnation ne peut venir que d’un manquement à la loi et non d’un manquement  à la morale.
Vouloir faire de la loi un instrument de la morale est en ce sens une ineptie, qui ouvre la porte aux intégrismes, c’est en effet  ce qui se passe dans les pays où règnent en maitres les pourfendeurs de vertus et les polices religieuses.

En tout cas, pendant c’temps là, sans que personne ou presque n’en parle, mais la « société civile » s’assied dans  les fauteuils des ministères, voici les anciens, d’Areva, de Thalès, de Citigroup HBCS, du Crédit Agricole,  des Aéroports de Paris, de Danone Nestlé, de Schneider Electric, d’Esso Total,  de Dassault système d’Havas et de MSC Croizières qui prennent les commandes de l’Etat… La loi sur la moralisation va-t-elle renforcer la prise légale d’intérêt ?

Le Quaireux le 5 juin 2017

Question d’étiquette…

Depuis quelques temps, en consommateur avisé, je me suis évertué à découvrir la poésie des étiquettes. Le repérage des conservateurs, la mise à jour des antioxydants, le nombre important de pincées de chlorure de sodium, la qualité nutritionnelle du pâté d’alouette, la localisation précise des organismes génétiquement modifiés,  le dépistage systématique de l’amidon frelaté, la reconnaissance des émulsifiants, la mise en lumière des exhausteurs, le déchiffrage des acidifiants et enfin  le coloriage des colorants. J’ai travaillé d’arrache-pied pour être performant dans les rayons à  tel point que ma méthode de lecture me semblant tout à fait efficace et efficiente, j’ai décidé de tenter un transfert  pour décrypter les arcanes des étiquettes politiques.

Et là, il faut bien dire que ce n’est pas une petite bière…

Je me suis d’abord mis à chercher un label, me disant qu’un produit labellisé était sans doute un bon produit…  J’ai  rapidement trouvé au beau milieu du magasin les  produits MP – Majorité présidentielle- . J’ai inspecté la marchandise sous toutes les coutures sans jamais en trouver l’étiquette,  impossible de me repérer dans la composition… alors dans le doute, j’ai changé de rayon !

Pour les autres produits, j’ai très rapidement repéré les conservateurs. Il y en avait bien sûr de  plusieurs types sur les rayons : ceux qui en famille  et après le travail,  rendaient grâce à la patrie. Ceux qui cherchaient désespérément un vin de messe sans sulfite pour prouver l’identité chrétienne de  leurs origines. J’ai également rencontré quelques nostalgiques  de la gégène qui refusaient de regarder en face une tête de gondole au prétexte qu’elle proposait un couscous Garbit en promotion.
Il y avait ceux qui avaient pris la mauvaise habitude de changer de nom pour tromper le lecteur d’étiquettes : aujourd’hui LR, il y a peu  Les Républicains, un peu avant RPR, encore avant UMP encore avant UNR, et enfin en remontant à la nuit des temps RPF ! Mais oui mon général !
A ma grande surprise, j’ai retrouvé sur l’étagère quelques produits labellisés MP rangés avec les conservateurs, preuve que dans cette grande surface c’était un peu le foutoir !

Mes recherches m’ont permis de mettre à jour les « émulsifiants qui font mousser »  inscrits sur l’étiquette et je suis d’un coup devenu  un émule des émulsifiants car pour faire carrière il faut absolument faire mousser pour se donner un peu d’épaisseur.
Alors, j’ai décidé d’anticiper la prochaine loi sur la morale en politique et la limitation des mandats. J’apprends déjà à faire mousser, parce qu’à 18 ans je ferai maire, pour trois mandats pour trois mandats comme la loi m’y autorise, à 36 ans, 18 ans plus tard je ferai conseiller départemental, à 54 ans, 18 ans plus tard, je ferai conseiller régional et j’irai jusqu’à 72 ans, puis je ferai député pour trois mandats jusqu’à 87 ans, et pour couronner le tout,  je ferai sénateur pendant trois mandats, on n’est pas chien ! Jusqu’à 102 ans. Là je retrouverai les Dassault et Dassault, père et fils, que j’avais, du reste,  déjà rencontré au rayon des conservateurs… Je commencerai à penser à la  Présidence de la République, qui n’est certainement pas un mandat pour les jeunots !
Pour en arriver là, il faut bien sûr une grande quantité d’émulsifiants pour faire mousser ! Je crains fort qu’il faille aussi quelques résidus  de conservateurs et quelques antioxydants pour être certain d’être bien conservé !

Je me suis enfin penché sur les colorants. J’ai écrasé quelques cochenilles pour faire du rouge encore plus rouge, bien « melenchonné »  il garde sa couleur. Je me suis procuré quelques «graines d’Avignon » bien mûres, mais le vert qu’elles ont donné n’était pas du tout stabilisé, trop attiré par les couleurs voisines pour s’inscrire sur une étiquette…

 J’ai repéré des produits mutants qui changeaient de couleur en fonction  du temps… rose très très pâle dont il aurait fallu  dare-dare regonfler  le chromatisme sous peine de les voir  finir dans l’anémie absolue… Depuis longtemps il y avait de simples nuances de couleur… un petit peu plus foncé par ci  ou un petit peu moins par là, les produits présentés sur le nuancier restaient chromatiquement compatibles.  Mais depuis que les couleurs primaires ont refait surface, la peinture se fait au couteau et la rose prend son  poing dans la gueule…
PS : autrement dit post scriptum,  c’est ce que l’on écrit à la fin… de toute façon la marque est épuisée, elle va changer de nom… Et c’est pourquoi aujourd’hui, elle n’a plus d’étiquette !

Et là, j’avoue que même si je n’ai pas le goût de la délation, je crois bien que je vais faire des signalements à la répression des fraudes. Car comme s’y reconnaître s’il n’y a pas d’étiquette ! On peut passer d’une crèmerie à une autre sans même que le crémier s’en aperçoive…  comment affirmer alors la traçabilité ?

Méfiez-vous des produits sans étiquette, vous n’allez pas vraiment savoir ce que vous achetez… Méfiez vous aussi des étiquettes vides, celles qui ne disent rien de la composition des  produits que vous mettez dans l’urne…, du vin de Touraine ou du Jésus de Lyon…  Il y a là de fortes chances qu’en fin de compte il y ait tromperie sur l’étiquette !

Le Quaireux le 28 mai 2017

Débauchage et verrouillage

Je regarde la France du haut de la Macronie,  se dit le funambule en posant le pied sur le filin d’acier…  et j’ai bien besoin d’un très grand balancier… un léger mouvement à droite doit obligatoirement être compensé d’un léger mouvement à gauche qui, lui-même,  demande une compensation immédiate par un autre  mouvement du côté opposé… et ainsi de suite de circonscription en circonscription pendant toute la traversée… l’avancée sur le filin central est à ce prix… heureusement le voyage aller doit mener uniquement de l’Elysée à l’Assemblée nationale, et ce n’est pas très long… après on verra, on redescendra sur terre… et là on n’aura plus besoin du balancier, puisqu’on sera majoritaire…

En attendant ce jour béni, débauchage et verrouillage sont les deux mamelles de la Macronie…

A l’origine, le verbe débaucher signifiait dégrossir une pièce de bois, une poutre par exemple, la dégrossir c’est-à-dire la fendre, pour que la pièce de bois soit bien droite… en somme il fallait une main d’œuvre adroite pour dégauchir, c’est-à-dire enlever ce qui est gauche. N’avait-t-on pas dans le quinquennat précédent inventé une dégauchisseuse tellement efficace qu’à l’heure de la débauche, le travail étant terminé, l’ancien Président était empêché et par voie de conséquence ses ministres se retrouvaient  débauchés !

Le nouveau Président voit les choses autrement, il a largement profité de la dégauchisseuse, pour son casting ministériel,  il débauche pour embaucher voilà quand même une assertion  qui flaire bon l’oxymore politique, pour les uns, la dialectique des contraires pour les autres…

Dans l’argot des typographes  débaucher  signifiait licencier par manque de travail…
Comment est-il donc possible de débaucher quelqu’un pour le propulser ministre sans admettre par là même qu’il n’aura rien à faire puisqu’on l’a débauché par manque de travail! C’est en somme donner raison à Fillon et à Le Pen  et à leurs emplois présupposés fictifs, on comprend l’urgence à revisiter le code du travail,  car s’il est évident qu’avant d’embaucher il faut débaucher, dans l’état actuel de la législation du travail,  il y a de grands risques de se retrouver aux prud’hommes.
Les prud’hommes, dont au passage il convient de limiter les indemnités données aux licenciés tout particulièrement lorsque les licenciés sont licencieux ! Il faut cependant bien distinguer les prud’hommes des hommes prudes au risque de réinventer une justice  des mœurs et la police qui va avec !

On comprend alors l’urgence d’une loi sur la moralisation de la vie politique  pour affirmer la vertu dans cette  Macronie naissante. Vertu,  du reste quelque peu contestée au regard de certaines  nominations de ministres.  Les archives collent au présent comme la glu et la glu est l’autre nom de la poisse..

D’autant que, dans un de mes autres dictionnaires, le participe passé débauché signifie : « qui s’adonne sans retenue aux plaisirs de la sexualité. » Comment un premier ministre,  fort peu éloigné de la Sainte Famille,  ne sentirait-il pas obligé de licencier un ou une, ministre licencieux… , je dis bien « un ou une » car il faut, dans ce domaine aussi,  respecter la parité !

Si donc un ministre débauché est en passe d’être licencié du fait qu’il soit débauché, pourquoi donc débaucher une personnalité qui n’est pas forcément considérée comme telle ? Avouez qu’il y a là matière à injustice.

Voilà pour le débauchage,  première mamelle de la Macronie… Quant au verrouillage Il part bien sûr aussi d’un bon sentiment. Figurez-vous que la dégauchisseuse dont j’ai parlé un peu plus haut se trouvait largement sous-occupée, le travail ayant été déjà fait comme je l’ai expliqué.
Qu’à cela ne tienne, il convient de la remettre en service pour rentabiliser l’investissement réalisé. Elle sera donc mise au goût du jour pour les  hauts cadres de l’administration, dans une démarche importée des USA sans droits de douanes… Elle évaluera l’efficacité, la performance et permettra au passage de dégauchir les esprits, n’est ce pas désormais le premier objectif de l’éducation ?
Dégauchir les esprits grâce à l’affirmation généralisée de la pensée unique, le politiquement correct du libéral social côtoie  l’économiquement correct du néolibéral pour gonfler les poches des gens du haut du panier.
Pour garder toutes les chances de succès,  il convient aussi de verrouiller les plumes qui auraient un peu trop tendance à chercher leur encre dans le vitriol. On, pronom indéfini, mais bien défini malgré tout, choisira les rédactions et les journalistes qui seront habilités à suivre et répandre la pensée et l’action présidentielle…  Quelle modernité ! Il ne reste plus à verrouiller que l’ORTF !
Mais attention, en refusant d’autres regards,  la pensée unique copule souvent avec la pensée inique, beaucoup plus rarement avec la pensée libre.

 Le Quaireux le 21 mai 2017

Du nouveau! Du nouveau! Toujours du nouveau sous le soleil…

Quelle image peut-on garder des premiers moments du président ?  Indiscutablement une  apparition solennelle dans la cour carrée du Louvre, en marche naturellement …
Les symboles sont ici nombreux : le Louvre est à la fois un haut lieu de culture mais c’est aussi l’ancienne demeure des rois de France, quant à la pyramide elle est née des grands travaux d’un président bâtisseur qui se serait bien vu  monarque.

Il s’agissait derrière ces premières images de s’adresser au peuple « peopolisé »  pour témoigner d’une entrée présidentielle dans l’histoire et  affirmer la volonté désormais officielle de redonner une quasi sacralité à la fonction de Président.

Le président ordinaire était renvoyé à l’ordinaire de sa propre image. La rupture se voulait consommée sur l’autel du renouveau…  et ce moment était réellement nouveau  car le roi de France aurait sans aucun doute fait son entrée à cheval préférant  une sonnerie éclatante de trompettes à un Hymne à la Joie composé par un musicien qui ne l’oublions pas a  fini son mandat, comme d’autres, dans une absolue surdité.

Et la nouveauté allait bien sûr continuer, jadis le roi de France faisait battre monnaie : son effigie sur  un louis d’or, aujourd’hui on est moderne et l’effigie du président se grave sur une mug que le peuple va pouvoir acheter avec une petite Tour Eiffel  floconneuse de neige, elle trônera avec  fierté sur l’étagère des  reliques familiales…Il est vrai que le président ordinaire avait déjà tenté le business… mais il n’était qu’un président ordinaire…  avec un président tout neuf, c’est une nouveauté…
Du neuf, encore du neuf, du jamais vu !
Par la magie des mots un mouvement se transforme en parti, «  En marche » devient « La République en Marche ». Finie la vieille politique, les partis sont de retour ! Avec dans leur valise,  les investitures pour l’élection des députés !

Du nouveau ! Du neuf ! Du jamais vu ?
Le fait du nouveau prince accorde quelques prébendes à  d’anciens députés soi-disant socialistes qui se mettent en marche  et laisse le champ libre aux gloires du passif,   il distribue aussi quelques investitures à d’anciens  encartés naguère Républicains…  Et quand il se retourne pour contempler l’ouvrage, il entend la rumeur qui gronde : « Le compte n’y est pas ! C’est pourtant bien moi qui lui ai fait la courte échelle ! »
Assurément le prince est l’œuvre de Machiavel,  le président se dit qu’il a encore raison, car il ne sert à rien d’acheter ses amis les plus proches puisqu’ils vous sont déjà totalement acquis. C’est autant d’économisé pour en acheter d’autres…

Du neuf ! Encore du neuf ! Du jamais vu !

Pour les impétrants ordinaires, on candidate désormais sur internet, avec un curriculum vitae, une lettre de motivation et un entretien en bonne et due forme, les élus seront coachés ! 15 000 candidats à la candidature envoient  leur CV… .  Si c’est vrai  que les politiques sont tous pourris, Il y a quand même beaucoup de candidats à la pourriture !

Et dire qu’il n’y a que 577 postes à pourvoir,  qu’en plus il faut garder quelques  places pour les nouveaux ralliés, et qu’en fin de compte, les candidats retenus ne sont pas du tout certains d’intégrer le poste proposé… De soustraction en soustraction, ça va faire beaucoup de monde sur le carreau !

Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses, rien de nouveau sous le soleil diront les candidats défaits. Du temps des vieux partis, les militants votaient, on parlait de primaires, désormais c’est ringard, la commission décide…
Quant aux apprentis députés, dépités, déboutés, jugés incapables de se mettre en marche : les pieds plats, les pieds-bots, les pieds nus et les va-nu-pieds, qu’ils aillent s’inscrire à   Pôle Emploi,  et qu’ils n’oublient pas de faire  leur coming out pour retrouver la société civile, qu’ils n’auraient jamais dû vouloir quitter !

Mais au fait, c’est quoi au juste la société civile ? C’est tout ce qui n’est pas l’Etat et tout ce qui n’a jamais eu de mandat politique. C’est simple non !

Ce qui signifie donc si j’ai bien compris que la société civile, c’est tout ce qui n’a rien à voir avec la politique. Monsieur Gattaz, Mme Parisot par exemple font partie de la société civile. Le forum de Davos par exemple ou bien encore les réunions de l’institut Montaigne sont des séances de travail de la société civile… Les officines chargées du lobbying font aussi partie intégrante de la société civile puisqu’elles ne font pas de politique.  Il est donc logique qu’ils puissent entrer à l’Assemblée nationale pour faire enfin ouvertement de la politique.

Mais attention, une fois entré dans la fonction, l’élu en provenance de la société civile va devenir l’ élu d’un parti ; il sera un homme ou une femme politique et dès lors comment pourra-t-il encore prétendre que, lui ou elle, parle encore au nom de cette société civile si prometteuse ?

D’autant que l’acte de candidature aux élections résonne comme  un acte d’allégeance au programme du nouveau président.
Alors député de la société civile ou godillot du président ?

Du nouveau, toujours du nouveau sous le soleil !

Le Quaireux le 15 mai 2017