Ne m’en veuillez pas si une de mes promenades préférées m’amène à la rencontre des mots entre les pages de dictionnaires parfois un peu jaunies ou tout au contraire entre les pages qui sentent encore un peu l’encre de leur impression. Les premières aident à comprendre l’évolution de la langue et du sens des mots en fonction de leur histoire propre et de l’histoire qui les entoure. Je voue alors une affection toute particulière à mon vieux Bescherelle, authentifié par la signature de son auteur en 1852. Les secondes permettent de scruter l’apparition de mots nouveaux ou bien alors les glissements de sens d’une époque à une autre.
Il en est ainsi de l’adjectif « populiste » si fortement utilisé par les temps qui courent qu’il vaut bien un petit détour.
L’adjectif populiste était ignoré par le vieux Bescherelle qui parlait non de populisme mais de popularisme pour décrire «une popularité érigée en système, cour basse et servile faite au peuple ». Le mot popularisme est tombé en désuétude, tout comme le mot « populicide » qui renvoyait à « ce qui est funeste pour le peuple, qui est ruineux pour les intérêts du peuple et par extension, celui qui porte atteinte au bonheur du peuple ». Ces mots ne s’utilisent plus guère de nos jours, même si les pratiques qu’ils signifiaient perdurent encore aujourd’hui.
Populiste semble dériver du nom populisme. Pourtant, le populisme était au début du siècle dernier « une école littéraire qui se proposait de peindre les mœurs des hommes du peuple ». Pratiquement rien à voir avec l’acception d’aujourd’hui. Le dictionnaire historique de la Langue française précise que : « ce n’est que dans les années 1970 et surtout depuis 2000 que l’adjectif populiste a envahi le vocabulaire des politologues » Il a emporté, accolé au suffixe iste, un caractère très péjoratif.
En somme il qualifie sous un même vocable le Front national auquel on peut ajouter la France de Dupont Aignan d’un côté et le Parti communiste auquel on joint Le Front de Gauche. Tout au plus pour quand même éviter la caricature, ajoutera- t-on d’un côté populisme de droite et de l’autre côté populisme de gauche ! Ce qui ne veut strictement rien dire.
En fait, par cet amalgame, on confond sciemment le peuple et « la foule ignorante qui se laisse berner pour qui sait la séduire », on signifie ainsi que le peuple n’est pas assez intelligent, perspicace, et informé pour gouverner la société. C’est avouer, sans oser le dire, la faillite de la démocratie, qui dans sa définition reste bien le gouvernement du peuple par le peuple, au profit d’une « élitocratie » qui est devenue le gouvernement du peuple par et au profit des pseudos élites.
C’est dire aussi que la politique n’est plus aujourd’hui que la gestion du système économique et social. Une gestion plus ou moins ceci ou plus ou moins cela qui ne peut remettre en cause le système sans prendre en plein visage le qualificatif de « populiste » prononcé au nom d’une pensée avortée incapable de se remettre en cause.
C’est oublier aussi qu’il y a d’autres voies que les rails obligatoires que l’on nous impose aujourd’hui au nom des équilibres de toutes sortes. Oublier qu’il y a d’autres voies à construire pour peu que la démocratie repose sur l’éducation populaire pour donner à comprendre et transformer le monde dans lequel nous vivons.
Voilà sans doute pourquoi, je préfère pour éviter tous ces amalgames utiliser la racine grecque du mot démagogue.
Le Quaireux le 9 janvier 2017