Depuis plusieurs mois la vie politique se résume aux primaires. Drôle d’exercice que l’on nous présente comme totalement démocratique destiné à rapprocher le citoyen de l’élite alors qu’il ne s’agit en fait que d’un « reality show » mis savamment en scène par le show-biz politique, simple tour de chauffe pour la présidentielle.
Le scénario a été signé par les commentateurs et les conseils des différents candidats. Bien sûr, on le sait, dans un combat, il y a des morts et des blessés. Et on connaît même leur nombre à défaut de leur identité : cinq au premier combat et un lors du duel final. Mais on sait aussi qu’il y aura, c’est la coutume, des récompenses pour tous les participants… qui un billet pour le Cap Nègre, qui un marocain, qui une présidence de commission pour les moins richement dotés, qui un marchepied de ministre, voire de premier d’entre eux, ça s’est déjà vu dans le passé…
Après quelques manœuvres plus ou moins habiles et quelques tentatives de contournement vient le temps du combat et de la première bataille.
Les communicants ont exercé leur poulain. Ils sont prêts, alignés côte à côte dans les box de départ. A priori ce n’est pas une course à handicap même si le spectateur que je suis peut avoir le sentiment que certains sont un peu chargés. De toute façon, par principe, je ne mise pas un kopeck dans une course pareille ;
Le starter télévisuel brandit son révolver et donne le départ. Déjà les brancardiers commencent leur travail. Exit Sarko rattrapé au moment où il s’apprête à remonter les marches du palais en craignant à nouveau les punaises de parquet…
Exit Poisson, épuisé à nager dans le bénitier familial…
Exit Koscuisko, éliminée pour regarder un peu trop loin après la bataille…
Exit Le Maire, rattrapé pour avoir négligé la respectabilité d’une cravate…
Exit Copé, pourtant parfaitement conscient que l’importance de ses 0,3%de voix peut faire basculer le second combat…
Cinq ! Le compte est bon ! On s’arrête là ! Il faut bien qu’il en reste deux !
Et dès lors on nous annonce le duel! Le duel à mort, tels des gladiateurs dans l’arène romaine, tels des boxeurs qui visent le KO… la foule télévisuelle scandera : « ta droite, ta droite, ta droite, mets lui sous la ceinture ! ». Un autre prendra le micro pour déclarer : « Fillon s’est radicalisé, il est urgent de le ficher S » ! Mais attention ! Pas un seul spectateur ne doit crier : « Ton gauche ! Ton gauche » parce que leur gauche n’est pas d’actualité!
Le combat terminé, on attendra les sondages pour savoir qui a perdu, et tout le monde comme un seul homme reprendra alors le chemin des meetings et des marchés pour soutenir le vainqueur comme jadis la corde soutenait le pendu.
Cette mise en scène là, était bien la volonté des commentateurs experts en politique… Mais ce combat là n’a pas eu lieu. Que voulez-vous ? Ils sont tous les deux de la même famille.
Enfoncé dans mon fauteuil, je me demandais quelles étaient les différences entre ces deux impétrants présidentiels ?. En écoutant leurs arguments j’étais frappé par le commun de leurs programmes (pour ne pas dire leur programme commun…). La discussion aimable ne portait que sur les nuances, sur le niveau de la potion amère qu’ils infligeront aux français et à la France dont ils sont soi-disant malades.
Par contre, l’oubli était invité à la table du débat, l’oubli de la politique menée par Sarkozy mort au combat de la primaire, dont Fillon était le premier ministre et Juppé ministre d’Etat. L’oubli de cette politique qui a creusé comme jamais la dette de l’Etat, et augmenté les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. Et c’est ainsi que l’on voit réapparaître dans les deux programmes la suppression de l’impôt sur la fortune, la hausse de la TVA en souvenir de la TVA sociale, la fin des trente cinq heures, les allégements tout azimut pour les entreprises, la casse systématique des services publics par la suppression des fonctionnaires, bref un programme libéral de droite pour Juppé et un programme libéral droite-droite pour Fillon.
Oubliée aussi, pour faire propre, la vision de cette France moisie exprimée par Fillon, de cette France qui régurgite les relents de xénophobie et ne jure que par son identité glorieuse en rêvant de réécrire l’histoire.
Dans quelques semaines, on entendra alors reprendre la litanie des primaires : « A droite !!Droite ! Droite ! », normal me direz vous puisqu’au mois de janvier, l’autre barnum essaiera de faire oublier la litanie de son quinquennat : « A gauche ! Droite ! A gauche !Droite ! » et on se préparera à l’élimination, sans gloire, sur l’autel du libéralisme social…
Macron attendra son bus à l’aubette du square n’ayant pas été informé que sa compagnie a fait faillite…
Le petit caporal rêvera à ses galons de général, ignorant encore que le pont d’Arcole est déjà pris…
Le président en exercice aura toujours du mal à faire un exercice de président…
A gauche ! Gauche ! hurleront bien certains…au risque de parler dans le vent !
Alors, en guise de bilan, pour éviter le pire, le secrétaire général de service en appellera au front républicain, dernière dérision et dernière illusion. Comment faire front avec « la droite ! Droite ! », sans renier ses propres engagements et sa propre histoire ?
Le Quaireux le 27 novembre 2016