Prendre la télé pour un confessionnal, voilà encore une erreur des spécialistes en communication politique. La confession cathodique n’a en effet rien à voir avec la confession catholique. Il arrive cependant que le retour du jésuite soit parfois un point commun entre les deux. « L’intention vaut l’action », si donc je n’ai pas eu l’intention de nuire, je ne peux être coupable… Merci Ignace ! L’action est devenue secondaire du moment que j’ai avoué, je suis peut être responsable mais pas coupable. Salut Loyola !
Autrement dit, Fillon a peut être commis une erreur, il n’est pas un saint mais un pêcheur ordinaire, c’est lui qui nous le dit. Il n’a du reste pas encore été canonisé, mais cela ne saurait tarder car il n’a jamais eu d’intention mauvaise. Moralité : il lui suffit d’avouer sa faute et il sera pardonné…
Dommage que l’on ait, encore une fois, oublié la séparation des églises et de l’Etat en confondant cathodique et catholique !
La confession catholique est éminemment confortable. D’abord parce qu’il n’y a que les deux oreilles du confesseur qui vous écoutent et comme on est sous le régime du secret, il peut toujours y avoir des arrangements, quelques « pater », quelques « noster », deux ou trois « je vous salue Marie », une petite pièce et l’affaire est faite ! Le pêcheur ressort plus blanc que blanc, et pas un électeur n’est au courant…
La confession cathodique est une tout autre chose, il y a des milliers d’yeux qui vous regardent, des milliers d’oreilles qui vous écoutent. Pas de secret derrière la caméra. Il faut d’abord être un excellent comédien car seule la persuasion compte. Et comme le comédien joue un rôle en se glissant dans un personnage, le spectateur ne peut que s’interroger sur le rôle qui est joué et non sur la personne du comédien qui le joue. Il joue la sincérité, il joue la colère, il joue l’indignation, mais il ne fait que jouer… c’est le revers de la politique spectacle…
Et, comme nous vivons l’ère du soupçon, on ne peut persuader que ceux qui le veulent bien…. Il y a peu de chance de gagner la partie si on a perdu auparavant la considération de l’opinion.
En désespoir de cause, après avoir crié au complot et à l’acharnement médiatique sans succès, on fait donner l’avocat de service pour taper sur les juges, le Parquet financier ne serait pas compétent… Il s’agit uniquement là d’une opération de déminage pour préparer l’opinion à un nouveau revirement dans la stratégie de défense.
Rappelez-vous les déclarations de Fillon : premier temps contre Sarko, on est dans la phase primaire : « Imaginez-vous le Général de Gaulle mis en examen ?» Puis quelques semaines plus tard dans le plus pur style gaulliste : « Si je suis mis en examen, je ne me présenterai pas ». Et dans quelques semaines on aura droit à : « J’ai été mis en examen ou renvoyé devant un juge d’instruction par une juridiction incompétente et des juges partisans. Je n’en ai cure ! Je me présente aux suffrages des français, puisqu’ils sont les seuls juges que je reconnaisse ! »
Bien sûr, on peut toujours crier au coup d’Etat institutionnel, la paranoïa côtoie souvent le pouvoir. On peut se présenter comme un anti système. Mais attention, d’un anti système à un nanti système, il n’y a qu’une liaison dangereuse qui nous fait glisser vers un système de nantis, avec l’obligation de crier encore à la trahison !
Il reste quand même, qu’à après avoir dénigré la presse, Fillon invite malgré tout la soi-disant meute journalistique pour hurler contre les juges. Dans ces conditions, il va devenir difficile de briguer les fonctions de celui qui doit être le garant de la justice et de la liberté d’expression, simple question de crédibilité.