Les « oublieux » regardent le monde qui les entoure avec leurs yeux glauques d’amnésiques et l’amnésie leur tient lieu de politique.
Ils ont d’abord oublié leur propre histoire, oublié la lignée qui les aura fait naître, oublié les pas qui les ont précédés, oublié les respirations, les souffrances et les espoirs qui leur ont permis d’ouvrir les yeux, ils sont neufs et sans passé. Vierges de toutes générations qui les auraient précédées, ils ne sauraient avoir la moindre conscience de leur propre reniement.
L’oubli n’est que la négation de la pensée.
Manuel Valls déclare à Munich le 13 février 2016 : « Je suis venu faire passer un message d’efficacité et de fermeté… l’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés ». Il a précisé devant la presse allemande : « la France s’est engagée pour 30 000 réfugiés. Dans le cadre de ces trente mille, nous sommes toujours prêts à accueillir des réfugiés. Mais pas plus ».
Il a oublié cette période de notre histoire, où chez nous, il fallait fuir ou se cacher pour croire ou pour penser, fuir vers l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne et porter l’habit sombre du réfugié. Normal puisqu’il n’était pas né…
Il a oublié, un peu plus tard, la guerre d’Espagne et les 475 000 personnes qui franchirent les frontières de Pyrénées du 28 janvier au 13 février 1939, pour se retrouver dans des camps construits afin d’éviter la contagion des « républicains rouges »… Il est vrai que s’il avait connu ces matins bruns, on l’accuserait aujourd’hui d’avoir plagié les décrets-lois édités par le gouvernement Daladier.
Normal qu’il n’en ait aucun souvenir puisque, même s’il est né à Barcelone, il n’a pas été concerné par l’exode des Républicains espagnols. Mais quand même 475 000 réfugiés espagnols ça n’a que peu de chose à voir avec les 30 000 qui seront peut-être accueillis sur le sol français…
Que dire alors de ceux dont les colonnes interminables descendaient le pays à la recherche d’un abri. Ils étaient français ! Ah ils étaient français ! Et les réfugiés d’aujourd’hui afghans, syriens, libyens ne sont ils pas aussi des hommes, des femmes, des enfants ?…
L’image de cet enfant que la vague a rejeté sur le sable de la plage, semble déjà jaunie. L’émotion ne parle qu’un tout petit temps avant l’oubli…
J’entends, avec effroi, la parole officielle, relayée par quelques vieux automates distributeurs d’éléments de langage, déverser leur rancœur sur la gauche morale ! Et j’ai honte, honte de les voir opposer la morale à l’humanité ! Honte de les entendre prôner l’efficacité contre la morale, honte de les voir laisser à d’autres la défense des droits de l’Homme, pour masquer tout simplement leur propre reniement.
Honte en fin de compte qu’ils salissent la France que l’on aime, ouverte, généreuse, fraternelle, pour courir après les politiques pseudo-sécuritaires, et tenter de faire renaître des relents d’unité nationale, histoire d’occuper, à des fins électorales, les terrains de la droite et de l’extrême droite.
L’histoire de la France mérite largement mieux que cela, surtout de la part de ceux qui ont été portés au pouvoir en tant que socialistes.
Le Quaireux, le 29 février 2016