L’évolution politique du pays a fait éclater le bipartisme dominant des partis de pouvoir sur lequel était basé le fonctionnement de nos institutions politiques. Sous la Vème république, la gauche avait attendu vingt trois ans pour goûter le pouvoir et d’alternance en alternance, un coup à droite, un coup à gauche les extrêmes étaient renvoyés sur les bancs de l’opposition… Cela permettait à la droite de s’étendre jusqu’aux franges de son extrême et à la gauche au pouvoir de s’affirmer gestionnaire d’un système qu’elle ne remettait plus en cause que par le bout de sa lunette. Elle s’était affirmée sociale démocrate, avait même décollé au Bourget pour lutter contre la finance mondiale et s’était scratchée en tentant un atterrissage désespéré sur les rives du social- libéralisme, ouvrant ainsi grandes les portes du hangar au décollage du libéralisme social….
La réduction du mandat à cinq ans, l’inversion du calendrier et plus récemment l’apparition des primaires dans le paysage, mais aussi l’incapacité à mettre en œuvre la politique pour laquelle on avait été élus, tout cela a profondément transformé notre paysage politique.
Le mandat présidentiel de cinq ans ramène le Président de la République à un rôle de premier ministre alors que sa mission devrait être de donner des perspectives qui prennent en compte les nombreuses mutations dans lesquelles nous sommes engagés. Cela produit, comme nous l’avons vu, une concurrence directe entre le Président et le premier Ministre, le temps politique des deux fonctions étant strictement le même.
L’inversion du calendrier lie désormais l’élection législative et l’élection présidentielle. Elle avait pour but d’assurer une majorité et donc une stabilité à l’action politique. En fait elle place d’Assemblée nationale et son pouvoir législatif au second plan, transformant les députés de la majorité en godillots inconditionnels du gouvernement ou en « frondeurs » sans réelle possibilité d’expression. Il est vrai que l’utilisation passée du 49-3 et l’annonce par la droite d’un gouvernement par ordonnance interroge sur la place laissée à l’Assemblée.
Quant aux primaires, elles ne sont que le « canada dry » de la démocratie. Elles prennent la place d’un congrès pour mesurer les rapports de force internes aux familles politiques et sont un excellent tremplin dans la lutte des places. N’ a-t-on pas vu Valls avec ses 5,6% de voix devenir premier Ministre et appliquer « sa » politique ?… Elles peuvent aussi, fournir à bon marché, une pseudo légitimité et devenir un argument paravent contre la justice. Ne voit-on pas Fillon, plombé jusqu’à la moelle, user de la primaire pour se maintenir contre vent et marée ?
Alors, à l’approche des futures élections, convenez qu’il faut plaindre les députés sortants qui se retrouvent face à une question terriblement angoissante : comment choisir sa future écurie ?
Pour la droite, faut-il soutenir Fillon largement avancé dans la décrépitude ? Faut-il défendre un plan B ou un plan B bis en envoyant les apôtres prêcher la croisade ? Faut-il imaginer un plan B ter en annonçant un binôme, destiné à masquer la compromission du candidat Président par l’ intégrité supposée du futur premier ministre? Faut-il faire risette à Macron ? Faut-il se laisser tenter par un engagement dans la Marine ? Ou bien faut-il passer son tour en attendant des jours meilleurs pour les prochaines en 2022 et en espérant que son « propre » candidat pourra enfin s’afficher comme un candidat propre ?
Et pour la gauche ? Faut-il soutenir Hamon, vainqueur de la primaire ou faire semblant ? Le soutenir comme la corde soutient le pendu, en espérant sa défaite pour prendre les vestiges et les rênes de la rue Solférino ? Ou bien faut-il aussi faire risette à Macron, en le disant ou sans le dire pour garder plusieurs fers au feu… et s’afficher seulement dans la dernière ligne droite, si dernière ligne droite il y a ?
J’aurai plutôt envie de proposer, pour que mon humeur du lundi soit joyeuse, que l’on décrète « le front républicain » dès le premier tour. Cela aurait l’énorme avantage de nous permettre de ne pas voter pour le moins pire, pour la droite la moins à droite, comme nous en avions pris l’habitude aux derniers scrutins. Mais de voter simplement pour la gauche !
Oui c’est au premier tour qu’il faut faire barrage à la droite et pour cela avancer vers une candidature unique de la gauche. De Mélenchon à Hamon en passant par Jadot. Voilà le véritable front républicain. Il aurait l’énorme avantage de permettre de faire le ménage dans les positionnements opportunistes, qui n’ont en fait d’autre motivation que de garder son pré carré et l’herbe fraîche qui y pousse.
Il devient urgent de laisser la Vème république à ses dérives pour ouvrir la page de la VIème, au risque de laisser la république se détruire elle-même.
Le Quaireux le 20 février 2017