Assassinat politique…

ll y a quelques semaines la campagne résonnait des mots de « lynchage médiatique » puis de «coup d’état institutionnel». L’escalade verbale continue,  c’est maintenant contre « le coup d’état des juges » que le candidat en appelle à la rue, et  parle « d’assassinat politique ». Cette  violence et cette outrance des mots sont signifiantes, elles  renvoient à une agressivité et une haine féroce, elles témoignent d’un attachement viscéral au pouvoir qui justifie a-priori toutes les dérives à venir.

Un assassinat est un meurtre prémédité. Comme il est impossible de tuer des idées, un « assassinat politique » est le meurtre d’un homme politique. Il arrive parfois que l’homme politique en question ait le temps de faire connaître ses dernières volontés…  soutenez moi dans un grand rassemblement ou dans une marche blanche implore le combattant à la balafre…

N’est-il pas pitoyable, qu’un candidat à la présidence de la République en soit arrivé à attaquer frontalement les institutions et les principes qu’il aurait la charge de défendre s’il était élu ?  Qu’il ose prétendre que le peuple est le seul juge qu’il reconnaisse et qu’il est donc au dessus des institutions de la République. N’est-ce pas précisément cela la définition du populisme ?  Dans notre République ce n’est pas la rue qui fait la loi mais le pouvoir législatif, c’est-à-dire les représentants élus par le peuple et la loi doit s’appliquer à tous, les humbles comme les puissants.

Pendant ce temps, on passe pratiquement sous silence la levée de l’immunité parlementaire de la candidate de la droite extrême qui ne se rend pas aux convocations du juge pour passer entre les gouttes et prétendre toujours laver plus blanc que blanc…

Mais cet épisode est aussi révélateur de la faillite des primaires. Ouvrir la désignation de son candidat à tous les citoyens qui le veulent est en apparence un plus pour la démocratie et le résultat donne une légitimité au candidat bien plus large qu’un vote de militants encartés, surtout lorsque ceux-ci ont fondu comme neige au soleil. Les primaires ont servi à choisir un candidat mais aussi une ligne politique, c’est pourquoi les concurrents doivent montrer leurs différences, voire leur opposition avant la primaire pour se réunir après celle-ci sous la bannière du vainqueur. Mais elles ont aussi servi à éliminer des candidats, ceux là même qui tenaient les rênes des grands partis politiques. Exit Sarko ! Exit Juppé ! Exit Valls ! Hollande lui-même était empêché !

Côté « Les républicains » le candidat, présumé innocent, roule avec un lot important de casseroles à ses basques. Il se pose en victime du système politico-judiciaire. Il attaque les juges, fustige les médias, distille le poison permanent du soupçon. Il se présente en résistant, en appelle à la « France Libre »… pauvre Général et pauvre armée de l’ombre. Il reste  et se veut candidat anti-système, reprenant les arguments  de l’extrême droite. Il joue la « Manif pour tous » contre une partie importante de sa propre famille… et contre la république…

Il n’y a pas de plan B, c’est lui ou le chaos. Chez « les républicains » nombreux pensent que c’est lui et le KO… alors ils se retirent en se prononçant contre l’acharnement thérapeutique, mais ils ont beaucoup de mal à le débrancher …

Si Juppé y allait, on dirait qu’il vaut mieux avoir été condamné que d’être convoqué pour une mise en examen. Si Juppé n’y allait pas, certains se mettraient en marche chez Macron et les autres s’engageraient dans la Marine.

Dans le cas de la « Belle Alliance » on peut penser que le seul vote des militants à jour de leurs cotisations, aurait sans doute été légitimiste. Quitte à sortir de l’Elysée par la petite porte,  la présidentielle perdue aurait permis à Valls de comprendre que c’est la politique qu’il a menée qui était globalement renvoyée dans les cordes et qu’il fallait impérativement réconcilier les gauches, qu’il clamait irréconciliables, pour espérer gagner.  Demain,  dans un renversement politicien, un échec de Hamon sera analysé comme le rejet de ses propositions, ce qui masquera habilement la responsabilité première de la politique mise en place lors du quinquennat…  Cela permettra  aux responsables socialistes d’éviter encore une fois d’analyser sérieusement les causes du rejet électoral, comme cela a été le cas après toutes les défaites de la mandature.

Lorsque la ligne du parti est déjugée par les sympathisants, la règle du jeu des primaires change, elle devient : « pile je gagne et face tu perds. » Et je m’en vais chez Macron. Je passe mon tour et je savonne la planche en pensant à 2022… Elle est vraiment belle « la Belle Alliance… »

Dans tous les cas, cette élection traduit l’inadaptation et l’essoufflement d’une constitution basée sur la bipolarisation politique pour prendre en compte les évolutions de la vie publique.

 

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