Une autre Europe est-elle possible?

Peut-on pratiquer une politique en ayant été élu pour en faire une autre ? Quel sens alors prend la démocratie ? C’est la question qui nous est posée aujourd’hui.

Comme cette question est terriblement dérangeante  pour  les personnes et les partis au pouvoir, pour masquer l’impuissance politique à y répondre,  les vieilles ficelles sont toujours d’actualité.
En appeler à l’ordre républicain, à la protection des personnes et des biens, c’est le premier temps qui ne va pas tarder à glisser vers l’affirmation d’une politique sécuritaire et menacer d’interdire les manifestations. Sauf l’Euro… parce que pour l’Euro il n’y a pas de casseurs mais des hooligans, vocable que nos experts ont du mal à traduire dans la langue de Molière…

La pratique de l’amalgame fournit alors des arguments faciles. C’est l’Euro, un hôpital pour enfants  a été dévasté… un couple de policiers a été odieusement assassiné à  son domicile, on est en état d’urgence… et de brandir la loi que l’on a fait voter dans un contexte d’attentat alors que l’on est ici dans un contexte de conflit social… On confond évidemment casseurs et manifestants…  En fait on cherche d’abord à générer la peur dans  le pays pour amener  une réaction légitimiste. Mais ça ne marche pas vraiment !

Alors  on en rajoute une couche : on va porter plainte contre les organisations syndicales en leur imputant la responsabilité des dégâts…
Bizarre, bizarre…Vous avez dit bizarre… L’arrêt du Conseil d’Etat du 26 octobre 2006, ne voit pas les choses sous cet angle :  « Attendu qu’un syndicat n’ayant ni pour objet ni pour mission d’organiser, de diriger ou de contrôler l’activité de ses adhérents au cours de mouvements ou manifestations auxquels ces derniers participent, les fautes commises personnellement par ceux-ci n’engagent pas la responsabilité de plein droit du syndicat auquel ils appartiennent. »  Alors pourquoi ce qui est valable pour la FNSEA et les manifestations agricoles ne le serait-il pas pour la CGT, FO et les autres syndicats qui luttent contre la loi travail ?

Derrière tout cela,  on voudrait bien faire oublier que la raison de ces manifestations est le vote de la loi travail, pour laquelle on explique que l’adoption en première lecture par le 49-3 est bien sûr tout à fait légale,  ce qui est vrai ! Mais on se garde bien de dire que l’adoption d’une loi par ce procédé sans vote montre parfaitement que l’on gouverne sans majorité réelle.

Pourquoi donc une telle insistance qui s’avère dévastatrice  pour les élections futures et mortifère pour la gauche ?

Encore une fois, à l’heure où nos amis d’Outre Manche votent pour le « brexit », les recommandations[1] du Conseil de l’Europe à la France pour l’année 2016 apportent la réponse. Que trouve-t-on dans ces « recommandations » ?
La reprise des recommandations des années précédentes : « réduire les dépenses publiques, réduire les dépenses de Sécurité Sociale, revoir le système des retraites, prendre des mesures visant à réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés, tout en élargissant la base d’imposition sur la consommation, notamment en ce qui concerne la TVA. »

Voilà ce qui nous attend. Mais ce n’est pas tout. Nous devrons aussi « veiller à ce que les réductions du coût du travail soient pérennisées et que les évolutions du salaire minimum soient compatibles avec la création d’emplois et la compétitivité; réformer le droit du travail… »

Tiens ! Tiens ne retrouvons nous pas ici la loi travail ?

« Les réformes menées récemment n’ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche. Cela concerne tous les aspects des conditions d’emploi, notamment les salaires, le temps de travail et les conditions de travail, et limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins. À l’heure actuelle, les branches professionnelles peuvent empêcher les entreprises de déterminer, au cas par cas et après négociations avec les partenaires sociaux, les conditions de dérogation aux accords de branche en matière de temps de travail. Les dérogations aux accords de branche et aux dispositions juridiques générales sur les conditions d’emploi, par l’intermédiaire d’accords d’entreprise, pourraient être facilitées, en concertation avec les partenaires sociaux.

Ainsi donc nous comprenons mieux que l’on peut,  pour suivre les injonctions de l’Europe libérale, s’asseoir sur la politique proposée lors de la campagne électorale de 2012  comme on s’était assis sur le résultat du référendum de 2005…

 Une autre Europe est-elle possible ? Si la réponse reste négative, la porte ouverte aux nationalismes et à leurs dérives restera grande ouverte.

[1] Les phrases écrites en italiques sont extraites des recommandations du Conseil de l’Europe à la France pour l’année 2016.

Une réflexion sur « Une autre Europe est-elle possible? »

  1. L’humeur est bonne ( j’apprécie ) même si la colère gronde!
    Merci pour ces lignes ( qui rassurent nos valeurs ) même si les dérives nationalistes sont angoissantes.

    Au plaisir de te lire

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