Religion d’Etat ?

Depuis des mois et des années, on l’attendait, on l’espérait, on en rêvait, on s’y voyait, on comptait les jours,  on comptait les petits matins, on comptait les nuits avec ou sans lune, on comptait et on recomptait et on comptait encore, un peu comme Harpagon recomptait sa collection d’euros sur son compte en banque.

Ca y est ! Le jour tant attendu est arrivé ! Le protocole est prêt. Les personnalités sont en tribune

Merde ! Il en manque un ! Et il est où Platini ? Platoche ?  Vous n’allez quand même pas me dire qu’il est resté au vestiaire !  Qu’il n’a pas été sélectionné ! Un tireur de coups francs comme lui, il n’y en a pas deux! Non ! Sans lui, Monsieur le Ministre, la grandeur de la France va se retrouver aux abonnés absents ! Faites quelque chose !

C’est pas Kanner, qui doit officier en grand prêtre de cette « communion laïque » !  C’est pas Valls  non plus et pas même Hollande ! C’est Platini, UEFA oblige,  puisque cet événement n’est que de portée européenne ! Ah ! S’il avait été du niveau  mondial,  bien sûr qu’on aurait fait appel à Blatter…

… Au fait, c’est quoi, Monsieur Patrick Kanner, une communion laïque ? Vous savez bien que c’est  fini depuis longtemps les rondelles de citron à la place  des hosties. Les piquouses, ça ne se fait plus à la mi-temps au foot comme au tennis, à pied comme à cheval ou à vélo…

Toujours est- il,  nous l’avons bien compris,  que la France doit être en ordre de marche, bien  propre sur elle, pour accueillir les dieux du ballon rond, et c’est pourquoi il n’y aura pas de défilé d’athlètes comme aux J.O.

Il n’était pas en effet pensable de constater sur le terrain, que, dans l’équipe des hollandais,  Macron était forfait, soi disant blessé par un éclat d’œuf, on ne devait pas non plus déplorer la non sélection de Valls, lui  qui venait juste de faire jouer sa déchéance de nationalité pour être sélectionné dans l’équipe d’Espagne, qui visiblement avait plus de chance de terminer en finale… Quelle image allions nous donner de la France !

Mais nos voisins n’étaient guère plus brillants. L’équipe d’Angleterre  allait-elle défiler pour soutenir le Brexit au risque de quitter rapidement la compétition…

La Grèce, tellement ponctionnée par les financiers bruxellois, n’avait pas un Produit Intérieur But ( PIB) suffisant pour passer les éliminatoires.
L’Ukraine risquait de côtoyer la Russie et le ballon officiel pouvait aisément alors se transformer en balles…
Pour le premier match on avait compris depuis longtemps qu’il fallait démanteler les camps et expulser les Roms pour ne pas avoir de problèmes en tribunes…

Mais attention, le foot n’entre pas dans la loi travail :  pas d’inversion des normes,  on ne touchera pas aux salaires, les 75% sur la tranche la plus élevée c’est du passé, du temps où le président se disait encore de gauche et on fera une autre  exception importante pour montrer qu’on est toujours social :  les indemnités de licenciement de entraîneurs ne seront pas plafonnées.

Voilà donc quelques raisons supplémentaires de mettre rapidement fin à l’action des grévistes, « inconscients », « irresponsables », « preneurs d’otages », « terroristes », selon les dires de différents ministres… Mettre dans le même sac un gréviste, un preneur d’otages et un terroriste ne trouvez-vous pas que c’est un peu triste venant d’un gouvernement élu sous l’étiquette socialiste ? La grève  est désormais, dans la bouche du Ministre des Transports,  « une action contre la France et les français ! » Dans l’esprit du gouvernement l’Euro devait sonner le glas des luttes contre la loi travail… Il devait faire oublier… apporter l’opium dont le peuple a besoin pour se taire…et pour accepter.

« Maintenant c’est le temps de la fête » disait le premier ministre à Clermont Ferrand. Que le ballon tourne rond ! Et pour cela le Ministre de l’Intérieur donnait ses consignes pour assister à l’Euro en toute sécurité : «  Respecter les consignes.  Eviter les attroupements. Ne pas tenir de propos politiques, idéologiques, injurieux, racistes ou xénophobes au sein et aux abords des stades… »  Cette dernière phrase a été rapidement modifiée suite à la réaction de Médiapart. Elle est devenue : « Ne pas exprimer ou diffuser des messages injurieux, racistes,  xénophobes,  sexistes ou religieux. » N’allez pas croire qu’il s’agisse dune erreur de formulation !  Non, tenir des propos politiques est forcément dérangeant pour les hommes et les femmes au pouvoir qui n’ont pour seule ambition que d’ouvrir la porte à la « panurgie » ambiante, simplement pour faire oublier le mépris qu’ils portent pour ceux qui se battent pour une société plus juste.

Et dire que j’ai souvent pris du plaisir à courir après un ballon, du temps où le foot était simplement resté un jeu entre copains et non une religion d’Etat.

Le Quaireux, le 13 juin 2016

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