Jusques à quand la terre saignera-t-elle?

poème Eric Gautier
photos Heber Argumedo
éditions Atlande

revenir à la boutique

Un double regard porté sur la rue, la faim, la souffrance, la misère, l’exil, celui qui burine les mots et qui taille leur musique et  celui qui modèle l’image cachée dans  l’œil du photographe. Tout cela pour que les mots et les photos  portent témoignage.

extraits

L’oiseau est mort sur la geléeImage11
Entends le givre et la détresse
mésange aux douceurs d’oranger
bouvreuil
et passereau ensanglanté
dans la haie noire d’aubépine

L’oiseau est mort sur la gelée

 

 

DSC_3937_modifié-1Image1

… Regardez cette femme
qui fouille la poubelle
et qui rêve au festin fabuleux
d’une orange écrasée

et regardez cet homme
qui mendie sur un banc
pour seule histoire
il a son sac
pour seul abri
une caisse en carton…

Mais regardez aussi
sur l’envers de la pièce
le luxe et l’indécence
la nuit dans un palace
il pleut des dividendes
qui festoient à la bourse
et l’argent dégouline
sous le nez des exclus

Qui peut risquer encore
le doux mot de justice
sans entendre en écho
le tocsin des révoltes ?

Image8DSC_1412_modifié-1

Regardez donc aussi les migrants qui s’avancent
Ils naissent dans la guerre
dans la faim
la misère

Ils cherchent un ailleurs
Ils sont jeunes
les vieux n’ont plus la force de l’exil…

… Partir
et partir à tout prix
partir n’importe où
à n’importe quel prix
parce que derrière la cordée c’est la faim qui tenaille
la guerre,
la faim et ce chacal
cette hyène féroce…

…Partir,
Qu’importe le chemin
qu’importe le voyage
Ne plus voir que l’après et le bout de la route
est-ce rêve ou mirage  l’autre bord de la rive ?
est- ce là-bas la paix  et la terre promise?

Partir
et partir à tout prix
partir n’importe où
à n’importe quel prix
et la faim vogue avec la peur
sur la nausée pourrie des vagues en partance
arrimée au ressac et à l’écume blanche
la mer rouge du sang des peuples de la faim
que les nantis repus repoussent de la main …

…L’immigré n’est qu’un homme
qu’une femme
qu’un enfant…

Image14Image13

Le rouge-gorge a la même blessure que le champ de coquelicots

Jusques-à quand la terre saignera-t-elle?

Le rire s’est desséché dans les écuelles vides
l’enfant guette le ciel
l’eau brûle les lèvres blêmes des mourants
la barbarie a engrossé des siècles de frontières
de haines
de guerres
de peurs
de faim

Jusques-à quand la terre saignera-t-elle?

L’homme titube en relevant la tête
Il dit
Il ose dire à contre vent
et même si sa voix n’est plus qu’une rumeur
il s’arme de patience
Il dit
il ose dire encore
que le bourgeon espère dans la sève
que la fleur annonce le fruit

Il crie
il crie qu’il faudra bien un jour en finir
avec l’humiliation des ventres vides
Il crie
il crie à des millions d’oreilles sourdes
qu’il faut veiller sur le blé vert
que ce n’est pas folie de labourer les rides de la terre
pour y semer des années lumières d’étoiles…

… Il crie parce que la justice reste sa raison d’être…

Site personnel et galerie L'Œil oblique