Pour en finir avec la langue de bois

 

langue de bois

Textes Eric Gautier
Préface Edgar Morin
Editions Atlande

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« Les éloges conventionnels vont aux grands personnages, aux grandes passions, y compris la folie, mais rarement aux petites choses modestes, aux êtres humbles, aux petits riens et aux gestes sans importance qui ne sont pourtant pas rien, ils peuplent notre quotidien. Et par mille façons et détours l’auteur fait ainsi l’éloge de la vie, gardez le précieusement. »

Extrait de la préface d’Edgar Morin

 Éloge de la page

« J’espère que tu fais ta page tous les jours », me dit mon ancien professeur de philosophie d’un ton qui traduisait plus un ordre qu’un conseil. Ma réponse fut un peu celle de l’élève qui n’aurait pas entièrement retenu sa leçon et qui venait d’un coup de se faire prendre par la patrouille : évasive et ne montrant pas une grande assurance…

Pourtant, à bien regarder la page blanche, je me dis que son intérêt premier c’est qu’elle ouvre tous les possibles puisque aucun mot, aucun signe, aucune trace n’est venue jusqu’à  présent la déflorer. Tous les poèmes, toutes les nouvelles, toutes les premières pages de roman, tous les mots doux peuvent venir s’installer, discrètement pour les uns, d’autorité pour les autres.
Mais pour l’instant, la page est toujours blanche et le crayon pour la noircir pas encore taillé. Parce qu’il ne suffit pas de posséder l’outil ni même la main qui le conduit, il faut aussi trouver le mot, le mot juste, celui qui a précédemment chanté dans votre tête, celui qui a écarté deux ou trois concurrents pour s’imposer comme le plus précis, le plus nuancé, le plus pertinent, au point qu’il se donne de toute évidence comme le seul à écrire !
Et, comme il faut toujours rendre hommage aux maîtres qui ont guidé vos pas, il faut bien dire que la régularité quotidienne des gammes est de nature à délier le mot et la pensée.
Je me suis donc mis au travail et j’ai dévoré chaque matin ma page blanche.
Quel commentaire la marge aurait-elle supporté si j’étais revenu des années en arrière ? Je l’ignore, la question étant surtout de savoir quel rapport la marge entretient encore avec la page !

Éloge du bas


Mine de rien, s’égarer dans le haut du bas est sans doute une autre manière de dire qu’on n’a pas besoin d’instruments de mesure, sextant, boussole ou autre compas, pour trouver le plaisir du chemin ou le chemin du plaisir…

Je ne vous donnerai pas la longitude, j’ignore aussi quelle est votre latitude, il suffit simplement parfois de garder le cap…
J’ai bien dit le haut du bas…

Éloge du grain de sable

Ce que je trouve merveilleux dans le sable, ce n’est pas l’immense étendue d’une plage estivale qui n’a d’autres attentes que les épousailles lascives des formes vacancières à la recherche d’un bronzage intégral, ce n’est pas non plus le pâté ou le château d’enfance qui guette avec inquiétude le coefficient de la marée dévastatrice, ce n’est pas non plus l’écoulement régulier du temps parfois renversé qui assure la cuisson de l’oeuf à la coque.
Non, ce que je trouve merveilleux dans le sable, c’est la puissance de résistance du plus petit de ses grains. Être le grain de sable à lui seul capable de bloquer, de gripper, de rayer, d’enrayer, de mettre en rade ou de paralyser un système à la complexité infinie, tellement plus puissant que lui.
Être ce petit rien, cet atome de poussière à la puissance zéro qui d’un coup d’un seul se révèle comme l’obstacle majeur que l’on ne peut contourner.
Voilà où peut mener le mépris des petits et des sans-grade, autant de grains de sable qui s’ignorent parce qu’ils n’ont pas eu le temps de percevoir leur force potentielle face à un système qui les broie.

Grain de sable du hasard, grain de sable d’une volonté 
farouche et têtue, grain de sable d’une obstination quasi obsessionnelle, grain de sable du refus, grain de sable d’une fierté affirmée, grain de sable d’une liberté assumée.
Il y a pourtant plusieurs conditions pour que le grain de sable affirme sa puissance : la stratégie exige de le placer dans la fragilité du système, l’efficacité demande que soit bien mesurée la perception des limites de l’isolement.

Peut-on encore rêver d’un grand vent de grains de sable ?

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